Tout le Monde Sait – Leonard Cohen

Tout le monde sait que les dés sont pipés
Tout le monde joue les doigts croisés
Tout le monde sait que la guerre est terminée
Tout le monde sait que les bons gars ont perdu
Tout le monde sait que le combat était truqué
Les pauvres restent pauvres, les riches restent riches

C’est comme ça que ça se passe
Tout le monde sait ça
Tout le monde sait que le bateau coule
Tout le monde sait que le capitaine a menti
Tout le monde se sent brisé
Comme si son père ou son chien venait de trépasser
Tout le monde ne parle qu’à ses poches
Tout le monde veut sa boite de chocolats
Et sa rose rouge comme un cœur
Tout le monde sait ça

Tout le monde sait que tu m’aimes bébé
Tout le monde sait que cela est vraiment vrai
Tout le monde sait que tu m’es fidèle
Oh, sauf pour une nuit ou deux
Tout le monde sait que tu es discrète
Mais il y a avait tout ce beau monde
Que tu devais rencontrer sans tes vêtements
Tout le monde sait, tout le monde sait ça
C’est comme cela que ça se passe
Tout le monde sait cela

Tout le monde sait que c’est maintenant ou jamais
Tout le monde sait que c’est toi ou moi
Et tout le monde sait que la vie est éternelle
Oh après une ligne ou trente-trois
Le vieux Joe cueille encore du coton
Pour tes rubans et tes boucles
Et tout le monde sait cela

Et tout le monde sait que l’Apocalypse approche
Tout le monde sait que cela ne saurait tarder
Tout le monde sait que l’homme et la femme nue
Ne sont que de luisants artéfacts du passé
Tout le monde sait que le trip est fini
Mais il y aura un compteur sur ton lit
Qui mettra sur le journal
Ce que tout le monde sait déjà

Et tout le monde sait que t’es dans la merde
Tout le monde sait ce que tu as enduré
De la croix sanglante sur la Cavalerie
Jusqu’aux plages de Malibu
Tout le monde sait que cela se déglingue
Regarde bien ce Cœur Sacré
Avant qu’il n’explose
Et tout le monde le sait
Tout le monde sait cela

Tout le monde sait, tout le monde sait cela
C’est comme cela que ça se passe
Tout le monde le sait
Tout le monde sait
Tout le monde sait, tout le monde sait cela

4h04 Erreurs du Jour

4h04 d’un nouveau jour
Mon corps tangue vers le plein éveil
Écouttant la lumière fine
De la course de l’Univers
Crépiter dans ses neurones

Ma réponse à ton tour
De baguette anachronique
Est que malgré les allergies
Que tu m’as induites
Je hurle merci
Aux épandages matinaux
Merci de m’avoir rendu malade
Pour comprendre que tu
Est Moi

Les muscles me jettent
Hors de moi vers la vie
Que je guette tel un faucon
Pour ne pas en perdre une sale miette

Par l’urgence imminente
De l’explosion d’un désir clef
Un déclic me hurle au guêt
De ne pas attendre
Ce que trop longtemps j’ai attendu

Au loin dans mon cœur
Je cherche la flamme dans le ravin
Qui brûle depuis longtemps
Et ne saurait s’éteindre cruciale
Avant le moment de t’étreindre

Elle seule sait du coup
Que je sais savoir
Que je ne connais
Hélas pas l’amour.

Me Touche Pas

Ne m’entraîne pas
Dans le placard des mots dits
Ou sur le pieu de nos sale draps
Des mêmes erreurs je suis lasse
Vas-y dégage ôte tes lèvres
Que je sèche mes pleurs

Ne me parle plus de l’orage
Jamais ainsi que du beau temps
Car toutes les portes un jour ou l’autre
Se referment de l’intérieur
Comme on meurt pour un mot

Je ne veux plus rien qui puisse créer
De telles ampoules à mes pieds
Une douleur qui m’uppercut
Et me charcute la pierre qui roule
Le coeur est un oiseau tombé du nid

Me touche pas vieux
Pas même au mieux de ta forme
De cet endroit qui sent le chloroforme
Ça y est je me casse t’es content
Quelle partie du mot: Fini! Basta!
Ne piges-tu pas?

 

La Première Pierre

Je tends la main
Vers la première pierre
Sans clef d’accès aux forces
Elle en ressort vaincue

Je vis je souffre je pense
J’erre j’apprends et je plonge
Dans l’insondable abysse
De la communauté globale

Qui tire dans le dos
De passants innocentés
Ému et bouleversé
Je me conduis avec fracas

Tel mon propre esclave
Vers de nouveaux rapports
Avec le repos qui m’écarte
Du seul équilibre

Qui marche encore debout.

DU MATIN CHAMBRE 38

Il ne reste entre nous

Que ce poème absolument explosif

Et quelques victimes terrorisées

Entre le landau au bébé arraché

Que je commence à chercher à la torche

Parmi les plafonniers qui explosent

Dans un poème que pour faire plus recherché

Si cela était un jour à refaire

J’intitulerais DM 38 tout court

Au suivant!

Tant pis fragiles bien élevés

Tandis que l’image se brouille

À grands coups de bottes dans l’écran

Laissant une empreinte rouge

Lors du calme relatif après l’onde du choc

Ce poème publicitaire sera suivi

Du silence crispant d’un trou noir

En fondu enchaine avec le mensonge

À la une des journaux

Et de rien d’autre à noter.

TRIBUTAIRE D’UNE FOLIE QUI N’EST PAS MIENNE

SOUS LE DÉCHARGEMENT

C’est seul contre tous

En revêtant à perpétuité ces corps

Dont les barreaux sont

Toutes les sortes de liberté

Que la vie reste imprudente

Sur la bascule incapable de vengeance

Je me suis longuement attardé

À ses explicites menaces en vitrine

Contre le revers de mon désir

Où les meilleures résolutions ploient

Je palpite jusque dans ses couloirs secrets

Où je dois délimiter mon territoire

Engoncé dans des lambeaux résistants

Je vais ma déroute me détacher de l’empreinte

Du fond de la beauté épineuse

Où chaque instant exige une réussite

Des plus fines membranes imaginables.


LES PIRES ATROCITÉS

Un désordre dangereux défend

Je suis un de ces prisonniers

Relégué au service des oubliettes

Dans la peau d’un monstre

La peau rugueuse

Mais sensible à la fois

La peau capable des pires atrocités

Au nom de l’amour en temps de paix

J’arrache ses ailes à l’envol

Comme un mot facilement effacé

J’arpente un dédale de mémoire

Une main dans les flammes du présent

L’autre écrasée sous le déchargement

En proie à des détonations sourdes

Collé par la langue au maquis de la page

Tributaire d’une folie qui n’est pas mienne

Car ici rien n’aura finalement survécu.

Parano du Sommeil

L’ennui réussit parfois
Et me fourgue un rythme de sa came
Sur la courbe désormais Richter
Où le soleil ne couche pas

Des armées revenues d’autres amnésies
Dosées sur mesure pourtant
Sur la platine amphétamine

Ma guerre au sommeil continue
Tire et compte un long et lent combat
Sur la cible une étreinte

Que la traque continue à produire
D’innombrables pustules
Partout sur la peau

 Comme si encore
J’avais l’age assez tendre
De traverser ce fil ténu

Comme s’il y avait depuis toujours
Un temps pour fuir la dispersion
À l’heure de frayeur grave

Que vivre ce bonheur liquide
Ne procure que
Quelques minutes à la fois

 Alors que d’une seconde à la suivante
Les inconscients collectifs
Maraudent aux abords de la mangeoire

De ce cerveau qui n’est plus le mien
Pendant la sieste.

guimond/ Montréal – 27 oct. 07

Histoire d’une Exfiltration

Je bogue dans l’absolu et je viens
Sur ses seins sans soutien logistique

Je blogue et sans blagues
J’invente de sérieuses cochonneries

Un abécédaire enrichi aux protéines
De rapaces sensuels couleur sperme

Aux calvaires numériques je scie
Allumant des brasiers érotiques

Que personne ne fume plus

Ce n’est pas exactement un appel
Ni un flirt mais l’exfiltration totale

Des résidus cramponnés aux draps
À l’excès rendu potable pour un verre

D’eau, quand cela campe de piètres rôles
De bons à rien sur le mauvais coup

Mais ça rampe en masse toutefois
Quand les cloches sonnent

Je vois ma vie que je ne vis plus
Défiler en rétroviseur truqué

Sur l’autoroute du cabotinage
Alors que du reste pour le peu qui subsiste

Je n’en ai alors plus rien à cirer
Mêmes mes meilleures chaussures

Sont pardessus tout
Une ribambelle de trous aérés

Des trous ce qu’il y a de plus noirs
Pour ceux qui voudraient

Absolument tout savoir
Des alvéoles aux contours inversées

Comme la superposition des galaxies
Dans l’échancrure de mon cerveau

Quand il choisit de me servir
De galère travestie en bateau

Allô, allô… Est-ce que quelqu’un m’écoutte?

guimond- 26oct.07 – Montréal