Suite au silence

Suite au silence  radieux

De nos espoirs catapultés

Notre amour de traverse

Ce désir sans adresse fixe

A rencontré le détour

Des besoins en manque de soins

En thérapie contre la charpie

De tes choix de pur désarroi

Qui font pourtant ici

La Loi

La Loi ma foie au dur recours

D’une maladie non pas de l’amour

Qu’est facile à confondre

Avec la tignasse de crasse

Avant que de la tondre

Sinon que de nous morfondre

À gueuler sur le boulevard

Que tous les autres se trompent

Tels des éléphants

Qui sans s’entendre en rendre compte

Partent au vent

Des éléphants roses ou verts

Qui parachutent dans le salon

Ou les cerfs volant

Dans la noire nuit

Du soliloque en pure bullshit

Qui en langue imaginaire

Va nous chier un hit

Heu, je voulus dire torcher

De passé simple

En présent décomposé

Pour des billes de bulles

De pus capable de te

Ne serait-ce que ressentir

Un gramme de paille d’avenir

Car quand le présent devient impossible

Il sera désormais difficile

De concevoir l’avenir comme

Cible…

 

 

 

Pourquoi cela n’arrive qu’à moi?, extrait

Prologue –

Hier, quand on l’a abattu sous mes yeux, je ne disposais d’aucun moyen pour empêcher ce crime-là plutôt qu’un autre. D’autant plus que Eve et moi escaladions une passe particulièrement pénible. Les crevasses qui – depuis belle lurette, lézardaient les assises de notre relation pourtant solide, nous menaçaient d’un glissement de terrain imminent. À tel point que j’avais prétexté un soudain malaise pour me tirer du boulot. J’étais rentré à l‘appartement, bien résolu a marcher sur la corde raide au-dessus du gouffre mais elle était partie faire des courses, et par une journée aussi ensoleillée, cela ne lui ressemblait, alors là, pas du tout !

Toujours est-il que, vers treize heures, j’attendais son retour en sirotant un whisky, au dernier étage d’un immeuble bordé d’arbres centenaires, dans notre appartement parsemé de baies panoramiques, avec vue sur un square aux allures victoriennes, – de sorte que nous avions renoncé à accrocher des rideaux -, j’admirai longuement les faisceaux irisés qui dansaient dans mon verre comme dans un kaléidoscope. Des mésanges s’ébrouaient à proximité, folâtrant aux branches du grand érable plaine. Ma présence ne les importunait guère plus que celle de l‘homme invisible

Je descendis chercher le courrier. Je feuilletai le contenu des enveloppes, refrénant l’impulsion de flanquer à la poubelle les notes de téléphone et d’électricité. Les nouvelles désobligeantes arrivant toujours en groupe, la dernière d’entre elles n’était pas des moindres…: un avis signé par le responsable des travaux publics décrétait que la voirie se préparait à passer à l’acte.

Je me suis aussitôt remémoré une conversation avec un de nos voisins, qui jurait que les arbres, à la source de notre engouement pour cet appartement, finiraient par être coupés. Étant donné qu’on les avaitétranglés dans le bitume, m’avait-il confié,cela ne représenterait pas une bien grande perte ! Ça lui épargnerait de ramasser les kilos de samares qui dégueulassent annuellement sa voiture.

Autant vous dire qu’Eve vouait une adoration toute particulière à ces arbres. J’avais jugé préférable de garder l’entretien en question secret. Je vérifiai toutefois la date sur l’avis et sur le calendrier. Nul besoin de chercher plus loin : tout concordait irrémédiablement. Je pliai la lettre, la fit disparaître dans la poche de mon bermuda et tentai de le chasser de ma mémoire. J’espérais seulement qu’Eve n’aurait pas vent de cet assassinat avant que je ne trouve le courage de lui en parler.

Eve, de tout temps sensible à ce genre d’attention, ne resterait pas froide à mon projet de déjeuner en tête-à-tête. Je sortis du placard des plats colorés, et parai la table comme pour une fête, malgré un moment d’hésitation devant la pénurie compromettante de denrées au frigo. C’était là l’essentiel de ma stratégie, quand le ‘bip-bip-bip’ familier d’un engin motorisé qui recule fit déguerpir mes petits copains les oiseaux. Je me ravisai, et me laissai piquer au jeu ; juste en bas, un camion à nacelle manœuvrait vis-à-vis de l’immeuble.

Il se gara, pour ainsi dire à bout portant. Deux types en descendirent se déplaçant avec cette lenteur propre aux employés municipaux. Ces deux là étaient définitivement syndiqués. L’un des deux procéda à la délimitation d’un périmètre de sécurité autour du tronc de l’arbre, tandis que l’autre extrayait un Thermos d’un sac planqué à l’arrière de la plate-forme.

Je gardais, en remuant la salade, un œil inquiet sur ce que trafiquaient ces deux envoyés spéciaux. J’allumai le transistor lorsque les ennemis jurés de la nature entamèrent leur gueuleton. Je tranchai du pain, sortis le beurre et préparai une vinaigrette. Tel un chirurgien, je me lavai avec application les mains comme si je pouvais en éliminer les germes du grave problème sur le point de devenir mien. A la radio un journaliste énumérait les catastrophes qui avaient secoué la planète depuis l’aurore : vague d’attentats, génocides en série, hausse des infanticides, baisse du taux de natalité, excès de dépenses au Sénat… Clic ! J’en avais assez entendu…

Je fouillais dans le dernier tiroir de gauche, à la recherche de quelques nappes colorées quandpar la plus pure des coïncidences, je découvris une pile de magazines, – qui croyez-moi si vous le voulez, n’étaient pas les miens !

J’ai tout d’abord pensé qu’il s’agissait d’un catalogue d’implants mammaires, car les nichons en page couverture m’avaient l’air d’avoir nécessité une certaine chirurgie. Le panthéon de déesses me certifia la supériorité du corps féminin sur le reste. De fil en aiguille, je finis par siffler la bouteille et desserrer les mâchoires.

Pour un peu, je serais retourné prendre une douche.

Mais Clac ! : Eve franchissait ostensiblement la porte.

Vlan ! : Je refermai le tiroir.

Le vrai problème avec la vie, – je ne parle que pour la mienne -c’est qu’elle est singulièrement orchestrée !

– Adam ! ,t’es là ? !…, cria-t-elle du bout du couloir.

– Oui chérie ! Dans la cuisine… J’ai besoin de te parler !

– Attends voir ce que je me suis achetée ! Je l’enfile et j’arrive !… Tu me donneras ton avis !

Les interminables secondes qui suivirent ne me suffirent pas à reprendre mes esprits. Lorsque la génératrice se mit à gémir, j’aurais voulu prévenir Eve de ce qui allait se produire, bien que cela n’aurait fichtrement rien changé.

Je reculai dos à la fenêtre…

Le bras porteur de la grue propulsa lentement la nacelle vers moi, exécutant un long travelling au même moment où l’actrice principale surgit dans l’embrasure de la porte. Elle était d’une rare beauté, subtilement maquillée. Ses lèvres esquissèrent un sourire hésitant, qui lorsqu’Eve crut saisir la signification de ce qui se passait de l’autre côté de la fenêtre, transforma son visage tout entier.

– C’est pas vrai !!! , hurla-t-elle.

J’aurais voulu lui répondre que la vérité sur terre … ! Mais je fus réduit à me retourner sur mon axe et à assister à la pire chose qui, à mon sens, pouvait désormais arriver : un type en combinaison verte qui immobilisant la coque d’une nacelle au niveau de la fenêtre, fut tout aussi ébahi de nous surprendre ainsi, qu’Eve dont la jupe moulante incitait à la bonne humeur. Il se séchait le front en souriant. Je n’aurais pu positivement l’identifier derrière son casque à lunettes protectrices. J’eus seulement la fulgurante intuition, que cet inconnu chargé du destin, allait secouer notre monde d’une force dévastatrice. Ma première réaction fut de lui faire un bras d’honneur. En guise de réponse la nacelle rugit de plus belle.

Notre voyeur sortit de nos vies comme il était venu, brandissant une tronçonneuse. Cap sur le sommet de l’arbre à décimer.Eve, horrifiée, gémit une phrase que le vacarme du camion rendît inaudible. Je tendis les cuisses, écartai un tant soit peu les jambes. Je balançai sur l’une puis l’autre, prêt à la retenir, pour le cas où elle déciderait de se porter au secours de notre ancêtre feuillu.

Lorsque le choc sonore de la tronçonneuse éclata au-dessus de nos têtes, Eve empoigna une tasse qu’elle envoya se fracasser contre le carrelage à mes pieds, puis s’enfuit sur les chapeaux de roues. Je me lançai spontanément à sa poursuite malgré les éclats de céramique qui ne me ralentirent guère, au contraire, je fonçais.

Je réussis à coincer la porte de la salle de bains avec mon pied. Celui qui saignait justement. Nous avons joué du qui perd gagne un bref instant. Puis elle se résigna à me laisser entrer. Elle posa ses fesses sur le rebord de la baignoire. Je m’affalai sur le siège de toilette. Quand elle eut la tête entre les mains, je déroulai du papier hygiénique à l’aide duquel j’épongeais soigneusement le sang. Je prenais tout mon temps. Car j’avais tout mon temps. Enfin, c’est ce que je croyais ! Nous sommes tous impuissants face à la douleur. En dépit du bruit atténué, elle me lance à tue tête : « Ça fait exactement un mois que je couche avec Suzanne ! … Un mois ! … Tu te fous de ma gueule ? … Soit tu me trompes… ? ! Ou tu ne m’aimes plus… Y’a pas trente-six mille solutions ! …»

Je retirais un à un les infimes éclats de céramique. Je répondis : « Un mois ! … , sourire fendu jusqu’aux oreilles je renfonce le fer chaud : Petite cachotière va ! Un mois ça se fête, il fallait me prévenir !

Il m’apparut évident que j’avais tout intérêt à changer de tactique, sinon cela risquait de se gâter. Mais avant que je ne puisse formuler ma prochaine phrase, elle rajouta :

– J’en ai marre de ton indifférence ! … Marre de tes excès, marre marre marre !!!

Pendant qu’elle allumait nerveusement une cigarette, je tentai de la déstabiliser :

– Regarde-moi bien dans les yeux ! … Il y a longtemps que je ne fais plus ce que je veux de ma vie… Tu ne me diras pas le contraire ? ! … Ai-je l’air de m’en plaindre ???… J’ai besoin de me décontracter de temps en temps. Je t’en prie ! Une bonne nouvelle à la fois ! …

Elle se leva et se jaugea dans le miroir, d’où je la voyais tout flou comme dans un rêve. Étant donné la douleur qui m’élançait au talon, je me suis dit qu’en fait de cauchemar, celui-ci méritait un oscar virtuel. Le vrombissement de la tronçonneuse me confirma une fois pour toute le concret de la situation.

– Je te quitte !, brailla-t-elle. JE TE QUITTE !!!… C’est tout ce que ça te fait ? !!!

– Rien à déclarer ! , m’étranglais-je comme si j’avais besoin de cette torture.

– Cœur-de-pierre ! … Salaud !!!

Je sautillai sur une jambe jusqu’au lavabo et immergeai ma blessure. L’eau devint aussitôt rouge. Je ne voulais, ni ne pouvais croire ce qu’elle venait de m’annoncer. Par ailleurs, il y avait des mois qu’elle ne bossait plus, je ne voyais pas comment elle avait pu s’offrir un tel caprice. Je fouillai dans la pharmacie pour du sparadrap pendant que mes neurones établissaient un premier bilan.

Eve trépignait sur place, ses yeux se révulsèrent par intermittence. Entre deux spasmes elle me foudroya du regard et me dit : «Cette fois t’es allé trop loin ! T’avais qu’à téléphoner pour me prévenir ! Le téléphone ça existe ! …» Je rétorquai : « C’est que… »

– C’est que t’en as rien à foutre ! , relativisa-t-elle. Je rentre sur Paris le quatre …

Nous avions l’air de boxeurs sinistres se jugeant avant le match, j’examinais chaque battement de cil de mon adversaire, battu d’avance par le fort faible que je nourris pour elle, depuis ce jour où mon regard s’est posé sur le lac de ses yeux dans lesquels je n’ai cessé de combattre le courant pour ne pas m’y noyer. Elle rajouta : « Je me barre… Je m’arrache… C’est fini entre nous. T’as gagné ! Chapeau, champion ! » Incapable de soutenir son regard, si seulement j’avais des reproches à lui faire, ne serait ce qu’au sujet de cette passade avec Suzanne ! Je refusais de m’étendre sur les motifs de leur supercherie. Tout ça était de ma faute. Ma langue se délia enfin ; je changeai de sujet. Je me lançai dans une longue diatribe qui ressemblait à du chinois car je laissais mon corps en état de choc parler pour moi. Mon corps n’avait pas les mêmes idées que moi.

Elle haussa les épaules, me serra un bras. Je me tu. Un long soupir lui échappa. La rage la fit vibrer.

– T’es sourd ou quoi ? !!!… Je m’en vais ! … T’es satisfait ???

J’avais les jambes comme de la guenille. Manque de pot, je tombai à genoux, m’accrochai à ses cuisses et me mis à chialer. Mon étreinte mélangeait l’excitation au chagrin. Caresser Eve m’a toujours fait cet effet-là. Je couinais tel un bébé auquel on arracherait un à un les ongles. Je râlais, incrédule face à la méchanceté du sort que je méritais au centuple.

Sur ces entrefaites, le télé-avertisseur fixé à ma ceinture fit des siennes. Malgré ma position compromettante, ma curiosité l’emporta, je jetai un œil au petit écran à cristaux liquides. Eve utilisa le fragment de seconde où je défis mon emprise pour reculer d’un demi pas. J’étais agenouillé, implorant l’absolution. En contre plongé comme ça, ses seins charnus un peu tombants retinrent mon attention. Elle ramassa un chemisier sur le panier de linge sale et l’enfila. Elle dominait la situation de plusieurs têtes, elle se pencha sur moi, et d’une voix presque enfantine, avec un accent de désespoir elle me balança : « Et en plus tu vas te barrer ! … Vas-y !… T’es une ordure ! »

Ma tête se rétracta dans mes épaules au moment fatidique où elle me décocha une gifle magistrale. La porte n’avait pas encore claqué, que je m’effondrais sur la tuile en martelant le sol. Il y avait longtemps, avec une femme, que je n’avais pas communiqué ainsi.

Le télé-avertisseur s’emballa de nouveau. Cela suffit à me remettre la tête à l’endroit. J’essuyai les larmes qui me dégoulinaient sur le visage. J’y lus qu’il y avait urgence au chantier. J’enfilai des chaussettes qui traînaient par terre. Elles ne sentaient pas trop, mais étaient un peu rudes lorsque j’y introduisis les pieds.

Le couloir sans écho glissa sous moi, je me retrouvai devant la porte de la chambre à coucher, où elle s’était barricadée. Je cherchais une phrase appropriée. Je frappai doucement… as de réponse. Pourtant !… Le plancher craquait à ses déplacements. Je perçus soudain qu’elle s’approchait : elle arracha quasiment les gonds en ouvrant ; peut-être, allait-elle me donner la chance de m’expliquer ?

Des vêtements propres apparurent à mes pieds. La porte se referma aussitôt. Je l’implorai : « Eve ! … Chérie ! Je rentrerai le plus tôt possible… On pourra parler ! … »

Ce qui m’étonnait, c’est qu’au lieu de se calmer, elle semblait s’agiter. J’écrasai mon oreille contre la porte. Il m’était impossible de déchiffrer les bruits bizarres qui se succédaient. J’étais sur le point de forcer la note, prêt à défoncer si nécessaire : « Pour l’amour de Dieu ! : Dis-moi quelque chose ! » Elle répondit : « Casse-toi !!! J’ai besoin d’être seule. » Je la sentais malgré tout appuyée contre le revers de la mince cloison, prête à capituler : « Téléphone-moi plus tard », me rassura-t-elle : « Moi aussi je t’aime ! … J’ai besoin de réfléchir… T’es là ? » Elle avais bien dit : « Moi aussi je t’aime ! » Je n’avais pas rêvé.

À mon avis, nous progressions. Je murmurai : « Oui mon cœur ! » ettournai sans succès la poignée. Elle sanglotait de nouveau.

– Peux-tu me laisser un peu d’argent ? , fit-elle au bout d’un certain temps.

– Sur la table chérie ! … Faut que j’y aille ! Plus tard mon amour !

– D’accord !… Mais à une condition !

– Quelle condition ??? !

– Ne m’appelles plus ton amour !!!

Éditions Balzac Le Griot – 1999, Paris, Montréal: ISBN: 2921468425
Catalogue: http://www.balzac-editeur.fr/detail.php?article=45

4ième de couverture:

De retour dans son Amérique natale, Adam Villemure globe-trotter et poète à ses heures est un amant et compagnon fidèle, mais aussi un organisateur d’événements hors-pair et un chef d’équipe compréhensif. En ce premier jour de juillet, la réalité le prend de court. On abat l’arbre-fétiche qui protégeait sa cuisine. Eve, sa compagne, menace de le quitter pour regagner la Provence et lui avoue son penchant amoureux pour Suzanne.

Leur imposante propriétaire le coince entre deux portes alors que Jean-Paul, son patron pour le meilleur et pour le pire, impose un surcroît de travail dont Adam se serait bien passé et enfin apparaît Hugo; ami des bons et des mauvais jours, qui le coiffe sur la ligne d’arrivée de la liste des best-sellers locaux. Dans un chassé-croisé d’événements et de revirements de situations, l’auteur nous plonge dans un univers où les personnages en quête d’un bonheur palpable ne semblent plus avoir de prise sur leurs destinées.

Daniel Guimond partage avec son personnage le goût des voyages, de la poésie, et du risque. Dans les années soixante-dix, il fut performeur et vidéaste. Après quatre recueils de poésie, et de nombreux textes dans les revues francophones et anglophones notamment : Exit, Estuaire, Trafic, Hobo-Québec, Only Paper Today, Ennui, Docks, Jungle, Video Guide, etc,, c’est avec son premier roman: ‘Pourquoi cela n’arrive qu’à moi’, qu’il emprunte une nouvelle avenue de son talent multidisciplinaire.

Ne jamais rien dire, extraits

Ne jamais rien dire
1989
PAR CHUTES

Lorsque passe l’excès
Dépassé à la limite
Trop plein de jamais assez
Tout, faire, tout goûter, tout
Dépenser, boire, manger
Baiser, tout fumer, sniffer,
Shooter, tout…
D’insuffisance en insatisfaction
Chronique, le cortège des sens
Défie la mémoire, l’endort…
Souvenirs mieux dessinés
Que des fossiles, ça tourne,
Ça recommence, ça spinne.
Encore et encore
Les tourbillons m’entraînent,
M’enlisent.
En spirales plus profondes.
Mouvement concentrique
Me suçant le sang…
Sensations vers le fond
De mon centre
Pour un autre milieu.
Une autre manière
De psychose secrète indécelable.
Pas tout à fait une autre
Dimension… Juste la fraction
D’espace régissant un univers plat.
Tout en épaisseurs, par couches.
Plus ça tourne, plus je glisse
Comme projectile sans issue.
À bout. Controuvé. Télescopé…
Jusqu’à l’émergence de l’autre coté.
Le perpétuel devenir en bloc.
Du temps fuit et il ne me reste
Que des trous de mémoire;
Mes archives.
Tout seul dans l’étroitesse
Du langage. Là où les mots existent.
Là où il ne s’agit pas que
D’un petit peu de vent.
Là où ça compte.
Cette nuit ne t’inquiètes pas,
Je me souviens…
Sans desserrer l’étau de la voix
Dans le texte, ses irradiantes liminaires…
Entre tendances du moment,
Le compte à rebours, en attendant
D’autres signaux; je me souviens
De toi… Du jeu
De glaces obscures
Paginant les moments troubles
De la biographie que je me fais.
Je me souviens de tes paroles
Exactement. Tes subterfuges,
Nos rires et les regards.
Mutés, obtus. Je me souviens
De rumeurs à notre sujet.
Je me souviens de moi…
Recollant déjà des morceaux
D’écorce de manuscrits
Afin qu’ils tiennent debout.
C’est comme ça qu’on s’est connus.
Tu m’as vu tomber souvent.
Me relever. Retomber trop souvent.
Me redresser trop fracturé
Pour fausser la courbature du réel
Sur le plan du récit ou même
Insister lourdement.
Cette nuit la bière,
Les barbituriques et le passé
Persécutant la mémoire
Me tordent le bras.
Encore une puis je m’étends
Par terre. Avant de faire
Trop de remous. Avant…

PERSONNE N’AIME ABSOLUMENT PAS

Personne n’aime absolument pas
Extatique  ça quand je parle trop
C’est ce que ça veut dire
Sans me laisser convaincre que
Personne n’en perçoit l’ombre
D’une différence de toute manière.
Assis devant le café refroidi
Depuis quand? Sans malice…
J’attends et c’est gratuit, alors
Si c’est pas pour une photo
Personne ne viendra m’emmerder.
Je m’emmerde moi-même
¨Ça ne se voit pas trop
Depuis le temps que
J’attends
C’est au moins la bombe
Un envahissement extra-terrestre
Rien de moins qu’un holocauste
Que je souhaite
Comme fin
À cette misère, ce délabrement…

À PERPÈTE J’ENVISAGE

Sur les barricades indispensables
D’une fuite d’imaginaire.
Devoir porter cette ordure dans
Mon sang. L’odeur
Des cauchemars redondants.
J’envisage mon remake dans la glace.
Reflux de boue. Café, cigarette,
Trop de vin, toute la bière
Et jamais assez de sommeil.
J’envisage l’espoir d’une cure…
Zéro. Puis ça tourne…
Sans orbite exacte.
L’univers mal huilé
Grince dans son circuit râlant.
Fixé tel un moment photographique
D’avant le tumulte, l’avalanche.
Dehors, ce n’est jamais le moment,
Attends. Toujours arrête.
J’y vais…
Je repars pour ce qui ne saurait
Me séduire de l’autre côté
Des barbelés. Une balle siffle
Puis ricochet d’un tireur fou
Sur les toits.
Des ravages intérieurs,
J’envisage le pire.
Dehors c’est toujours au revoir.
Il faudra déplier les cartes,
Sortir le compas, la boussole
Pour une destination variable.
La trappe…
Oublier serait tellement plus
Vivable. Les costumes
Ont étudié le scénario.
La vie est
Une bien plus belle place
Lorsque l’on a quelque chose
À prendre.
Plus rare que le radium,
Je cherche mes pilules.
Renverse des tiroirs.
Ce courage me fait peur.
D’une peur de quoi?
De rien de descriptible.
À perpète, j’envisage de sortir…

Ne jamais rien dire.1989, Écrits des Forges

4ième de couverture

Daniel Guimond est né à Longueuil le 21 septembre 1959. En tant qu’artiste multidisciplinaire il travaille avec le texte, la vidéo, la performance et la peinture depuis 1977.

« La vie est une bien plus belle place
lorsqu’on a quelque chose à prendre.

Plus rare que le radium, je cherche
une pilule. Renverse des tiroirs.
La boisson est finie.
Ce courage me fait peur.
D’une peur de quoi ?
De rien de descriptible.
À perpète, j’envisage de sortir… »

56 pages
11,4 X 18,0 X 0,6 cm
Poids : 70 g

Les Alentours, extraits

Les Alentours
1997
FANTAISIE

Convaincu de mon entière coopération
On m’escorte vers une salle anonyme, grise
Derrière la porte de laquelle
Je pèserai le pour et le contre
De la fantaisie de l’ici-bas

La chasse à l’homme étant résolue
J’envisage les conséquences
De ma réussite appelée un massacre
À la une des journaux

Bien qu’aucun témoin n’ait survécu
Mes empreintes sur l’arme du crime
Je vais tout avouer en bloc

Lors de l’impressionnante relecture
Des chefs d’accusation portés contre moi
On m’enlève les menottes
Puis ils sortent sans claquer la porte

Enfin seul
Je masse mes poignets
Las, fatigué mais serein

Syncope de dire aux poings
Fourrageant entre les verres de styromousse
Et des mégots écrasés sur la table
J’approche une feuille blanche, un stylo

Une mouche s’éloigne d’une chaise
Contemplatif je m’y assois

Ne peux plus nier
Tête renversée, les bras en croix
Je ne pense à rien, en admirant le plafond
Mon visage d’un coup sec se fronce
Mon esprit se contredit

Je pouffe de rire…
La chaise rebascule sur ses quatre pattes
Mes chaussures claquent contre le carrelage

Le léger ricanement m’émoustille
Car seuls mes aveux me séparent
De la dernière issue de secours
Si largement ouverte

Chose inattendue :
Les secondes passent tels de fins traits
À la lame de rasoir sur le torse

Je suis rechargé à bloc
Haussant les épaules, suivi d’un long soupir
Des larmes coulent sur mes joues

Refrénant ma joie, j’écris :
QUAND ON NE PEUT PLUS VIVRE
IL EST DIFFICILE DE NE PAS TUER!
En caractères détachés
Dans le gras de la page

Résigné, le dos voûté
Armé de mon seul siège
J’éteins l’interrupteur sans ciller

Je me loge à gauche derrière la porte
Tapi contre le mur, j’inspire à tout rompre
Soulevant la chaise à bout de bras
Je hurle :
AU SECOURS!!!

Seul dans le noir
D’une salle d’interrogatoire.

LA NUIT DE L’ACCIDENT

Accélérateur au plancher
il fonce à travers la relative liberté
du royaume de la nuit
à la recherche d’un nouveau défouloir
au rythme effréné des enseignes
qui s’annulent dans la vitesse
sur l’autoroute luisante
telle une glace vive
une réflexion parfaite prédomine
le véhicule glissant sur un miroir de pluie

Dans la voie rapide éraillée
la bouteille entre les cuisses
il cultive notoire son indifférence
sa collection ingrate
de nuits blanches sans lendemains

Il se goinfre de futilités caustiques
qui transforment l’existence en une vie
cela le consume le volatilise
éludant avec persistance
toute forme de responsabilité

Le carburant d’être brule sans relâche
comme on dit des banalités
il se dépense
inlassable répétition
de ses déboires
rétrogradant le temps désinvolte

L’infime détente de sa poigne
délestée sur le volant
amorce un geste irrémédiable
son sourire s’écorche
lors de la tentation du dépassement du connu
l’accélération le surprend
telle une projection inattendue
annonçant la loi du pire

Fermant les paupières sans pour cela s’assoupir
son rôle se redistribue dans l’espace
dernière réplique avant la tombée du rideau

Sombre embardée
il ne reconnait plus les enseignes
ce n’est pas lorsque le véhicule bondit
possédé de son propre intellect
sonde pénétrant l’infranchissable noirceur
de la nuit de l’accident
derrière les essuie-glaces insuffisants
que le sens de sa vie
lui est évoqué

Cette maladresse tout au plus le loge
dans le décor
tapissé de feuilles mortes
choc tonitruant
l’automobile s’agenouille devant
le ciment du poteau

Dur le choc mou et dur
il est nulle part et partout
des gouttelettes tambourinent
contre ce qui reste du tableau de bord

Les horizons de son corps disparaissent
la nuit profonde éclate
ses vêtements dégoulinent rosâtres

La tempête de souvenirs hallucinés déferle
le temps multiple s’introduit

Malgré le craquellement des synapses
l’esprit se referme
des voix se répercutent
dans le long couloir de l’entendement

Il flotte dans la force de s’éloigner
ce corps immobile est libre
de sa représentation de chair flasque
il reprend à la vie
ce qui est inénarrable
s’il avait su quelque chose de la vie
il aurait quand même exagéré
sur l’accélérateur
avant la beauté fulgurante de la vitesse
puis rien.

Tableau Blanc

Sous le ciel d’une irrésistible nudité
Des feuilles abandonnent les arbres
Dehors fige et se cristallise
Nous foulons les maux de la terre
Avant que l’encre ne s’évapore

La naissance de la lumière
C’est cela précisément qui nous habite
Fauves rituels incandescents
Les étincelles se dispersent
De vastes étendues intérieures
Supplantent l’espace

À perte de vue le chemin s’étend
Prisonnier captif sous nos pas résolus
Notre silhouette se profile
Entre les embuches
Nous contournons la nuance des cahots

Dorénavant à proximité du sang
Notre voie palpite contre la peau
De ce qui n’est nulle part imprimé
Nous explorons des univers sans fin.

Extraits:  LES ALENTOURS 1997, Écrits des Forges

4ième de couverture

Sans points de repères, comment parler de sa vie? Pour celui qui voyage, les décors, les scènes, les rencontres défilent et se succèdent comme autant de tableaux poignants que l’on aimerait repeindre. Chaque bouffée d’oxygène au coin de chaque rue trace des aventures dont le chassé-croisé s’enchevêtre sourdement.

Est-ce que le destin du monde dépend d’un problème de philosophie? D’une vision poétique des faits?

Nous sommes sans cesse fourvoyés entre le réel et l’imaginaire. Mais qui sommes-nous? Où commence-t-on à décrire le singulier remous des jours qui passent?

Avec Les alentours, Daniel Guimond pose des questions auxquelles personne semble-t- il ne répond. Sa poésie émerge du brouillard tels des feux braqués sur nous.

« au lieu de te cabrer ou gémir
dans ce poème fait pour te plaire
tu enfonces les mains dans les poches
et souris en fermant les yeux »

68 pages
12,8 X 20,3 X 0,5 cm

Dans la Douceur de ce qui ne Mourra Jamais Plus

Au bout du chemin, pas loin
Au rodéo de surenchère
Fusillable à l’aube du manquement
Par des robots sur la patente
Au bout du chemin le Nazistan
En bas de la côte, dans le coin

Entre les Black label renversées
Dans un chiotte de baraquement, j’avale
Mes médicaments à neutron
Tout avance dans le savon d’abattoir
Dans une ambulance ataquée au drapeau blanc
Traversé par l’ absence des seuls rayons
De l’amour de son prochain
Dans la douceur de ce qui ne mourra jamais plus*

33 éternités accotées en croix
Dans la gueule de l’enfer
À ramper de valise en cran d’arrêt
Jusqu’aux genoux dans Dieu
Craquant comme une porte blindée
Du pays jamais croisé ajeun
Crispé au gosses mûres de petit matin
Dans la douceur de ce qui ne mourra jamais plus*

Au bout du chemin le Nazistan (bis)

Après déjeuner avec des monstres
Sans Denis Vanier pour nous faire
Exécuter nus devant l’aube
En tatouage de bavure

Éternel infirme au calvaire, j’avale
Mes médicaments à neutron
Tout avance dans le savon d’abattoir
En ambulance armée au drapeau blanc
Traversé par l’ absence des seuls rayons
D’amour de son prochain
Dans la douceur de ce qui ne mourra jamais plus*

Au bout du chemin le Nazistan (bis)

à Denis Vanier*:1949-2000

 

Sur la Route

Sur cette route escarpée de souvenirs

Je cherche de l’espace à meubler

De l’interstice à piocher

Aux armes blanches prêtes pour le pire

Une place au centre de laquelle

Mes bottines prendront leur envol

Vers le lieu de ma déraison d’être

Aux nonchalantes séquelles

Cet endroit que tu me caches

Ce coin auquel vouer adoration

À des saints va nus pieds

Que je caresse à coups de hache

Je prendrai mon temps, promis

Avant de changer les couleurs

De ma vie parfaite d’erreurs

À la démesure ornée de déni.

TRIBUTAIRE D’UNE FOLIE QUI N’EST PAS MIENNE

SOUS LE DÉCHARGEMENT

C’est seul contre tous

En revêtant à perpétuité ces corps

Dont les barreaux sont

Toutes les sortes de liberté

Que la vie reste imprudente

Sur la bascule incapable de vengeance

Je me suis longuement attardé

À ses explicites menaces en vitrine

Contre le revers de mon désir

Où les meilleures résolutions ploient

Je palpite jusque dans ses couloirs secrets

Où je dois délimiter mon territoire

Engoncé dans des lambeaux résistants

Je vais ma déroute me détacher de l’empreinte

Du fond de la beauté épineuse

Où chaque instant exige une réussite

Des plus fines membranes imaginables.


LES PIRES ATROCITÉS

Un désordre dangereux défend

Je suis un de ces prisonniers

Relégué au service des oubliettes

Dans la peau d’un monstre

La peau rugueuse

Mais sensible à la fois

La peau capable des pires atrocités

Au nom de l’amour en temps de paix

J’arrache ses ailes à l’envol

Comme un mot facilement effacé

J’arpente un dédale de mémoire

Une main dans les flammes du présent

L’autre écrasée sous le déchargement

En proie à des détonations sourdes

Collé par la langue au maquis de la page

Tributaire d’une folie qui n’est pas mienne

Car ici rien n’aura finalement survécu.

Polar Poème #1

LA NUIT DU CHAT

Manu Chartier menait d’une main de maître sa double vie depuis si longtemps, qu’il se considérait comme deux types exemplairement parallèles : l’honnête et joyeux drille capable de rougir à un mensonge sans conséquence pendant la journée, et le cambrioleur activement recherché par une armée de détectives durant la nuit.

C’était purement et simplement mathématique, il le savait, l’avait toujours su, et avait travaillé dur à ne pas y penser. Il entreprit donc ce que tout homme sensé aurait fait à sa place : limiter l’étendue des dégâts, amasser le pactole, et protéger les siens…

Extrait de L’ORACLE DU CHAT – Cliquez